Crise sanitaire, crise économique et gouvernance des sociétés dans la perspective du «monde d’après»

Nicolas Rontchevsky

Associé fondateur

La gestion juridique de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19 soulève de multiples questions et difficultés qu’il est impossible de recenser de manière exhaustive. Sous l’angle du droit privé, l’attention a été attirée, entre autres, sur la mise en danger d’autrui, la protection des salariés et l’aménagement de leur temps de travail, la création de nouvelles infractions, les obligations d’information s’imposant aux sociétés cotées dans le contexte de l’épidémie, les nouvelles règles gouvernant la tenue des assemblées d’actionnaires, les opérations d’initiés qui auraient été réalisées par des membres du Congrès aux Etats-Unis…

Sur le terrain du droit des contrats, l’une des questions majeures posée par la crise sanitaire concerne l’application des notions de force majeure (article 1218 du Code civil) et d’imprévision (article 1195 du Code civil), pouvant justifier, à certaines conditions (et selon qu’un contrat contient ou non certaines clauses), une inexécution, une suspension ou une révision des contrats, comme le rappellent à juste titre de nombreuses publications sur ce sujet. La crise sanitaire pourrait constituer un triste banc d’essai pour la définition de la force majeure et celle de l’imprévision, introduites en droit français par la réforme du droit des contrats réalisée en 2016 et parachevée par la loi du 20 avril 2018. Ce constat appelle un audit juridique de nombreux contrats, auquel les directions juridiques des entreprises ont déjà entrepris de procéder en urgence, avec leurs équipes et leurs conseils. Les débats sur le point de savoir si la qualification de force majeure peut être retenue ne doivent toutefois pas masquer que celle-ci ne peut pas être utilement invoquée pour échapper à l’exécution de certaines obligations. A cet égard, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 16 septembre 2014 (n° 13-20306, publié au Bulletin civil) que « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de ce cette obligation en invoquant un cas de force majeure». Il en résulte que, même dans la crise actuelle, la force majeure ne peut pas être invoquée comme un mot de passe pour se soustraire à l’exécution de toutes les obligations contractuelles. Chaque impossibilité ou difficulté d’exécution d’un contrat appelle ainsi un examen et une réflexion sur les mesures pertinentes à mettre en œuvre en urgence (invocation de la force majeure, renégociation, voire conciliation ou autre mode alternatif de règlement des différends…).

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